La création des Guerriers de Sarokha, Gardiens de la Tradition !
Peu après la mort de Guttrak, certains Gnutags d'Havrebois font un rêve, un rêve bien différent des autres…
Une jeune femme orc, envoûtante, la plus belle orkesse qu'ils ont jamais vue, se tient près d'un feu. Autour de ce feu se tiennent d'autres Gnutags. Elle leur parle. Elle leur dit de venir la rejoindre, qu'il faut que les traditions instaurées par leurs ancêtres se perpétuent. Il faut des Gnutags qui puissent rappeler à leur frère le sang qui coule dans leur veine, ce qui fait qu'aujourd'hui ils ne sont plus dans la montagne, leurs racines, leur histoire, ce qu’ils SONT.
Chaque Gnutag est attiré par ses mots. Dans un semi rêve, semi sommeil, chacun se dirige vers ce camp, sans savoir où il se trouve, et comme par magie, ils se réunissent dans une clairière au milieu des bois au nord de Karmir.
Ils se réveillent un matin tous autour de ce feu dont ils ont tant rêvé. Il fait nuit, le ciel est étoilé.
Certains se connaissent, d'autres pas.
Un homme, nu, monte sur un rocher, un shaman du nom d'Eolair. Il lève légèrement son bâton et donne un coup sec sur le rocher. Ce dernier semble vibrer ; un silence interdit s’établit aussitôt. Tous ont cru voir pendant une fraction de seconde une magnifique femelle ork à la place d’Eolair, Sarokha est parmi eux. Les yeux des dizaines de Gnutags ne quittent plus ceux du shaman et attendent la suite avec curiosité et impatience. Du haut de son rocher, il les observe tous, s’attardant sur leurs visages d’un regard paternel, pour s’assurer d’avoir l’attention générale. La ceremonie peut commencer...
D’un coup son corps est traversé de violents spasmes et sa tête part en arrière. Lorsqu’il se redresse, il les contemple de ses yeux révulsés, et une voix étrange sort de sa bouche, une voix qui n’avait rien à voir avec celle, grave et calme, du maître shaman. Une voix de femelle orc, rocailleuse mais haute, puissante sans être un cri, semblable au grondement du tonnerre. Cette voix profère :
«Le Peuple Orc est affaibli ! Les guerriers ne sont plus que la pâle imitation de leurs ancêtres. Savez-vous pourquoi ? Pourquoi une telle faiblesse afflige notre race ? Pourquoi le malheur s’acharne sur vous ?
Parce que les traditions orcs se sont perdues ! Les coutumes des ulmateos ont pris le dessus et plus personne ne se souvient de nos contes et légendes glorieuses !!
Ne vous souvenez-vous donc plus de ce que vos mères vous ont enseigné ? L’éducation qu’elles vous ont inculque a t’elle encore un sens à vos yeux ?
Réveillez-vous, revenez sur le chemin des anciens ! Nous étions dans l’ère de Koskhûn le chaotique. Tout a été bouleversé, chamboulé ! Koskhûn vous rend plus fort car le hasard est imprévisible, mais sa venue vous a fait oublier ce que vous êtes ! Mes Enfants ! Moi, Sarokha, la Mère des Dieux, votre Mère a tous, j’ai décidé de m’adresser à vous par ce prêtre de mon culte! Je vous ai choisis !
Mon Ere arrive ! Apportez ma parole à vos Gnutags ! Rappelez-leur ce que sont les Traditions Séculaires et la Culture orc. Vous serez leurs Pères et leurs Mères ! Vous ferez la puissance de votre Peuple ! Multipliez-vous ! Faites une guerre sans merci à vos ennemis, ne leur laissez jamais de repos ! Eduquez votre progéniture et ceux qui ont oublié !
Vous, mes Enfants, je vous charge de ramener vos Gnutags sur les traces de vos ancêtres ! Que Nos Traditions perdurent à tout jamais !
Car les Temps de Sarokha vont venir et ceux de Koskhûn prendre fin !
Nul ne doit dominer trop longtemps, même s’il est un Dieu Fort et Habile. Mon ère doit venir afin que l’équilibre persiste, par la Droite Puissance des Traditions orcs. »
Eolair lève un bras. Dans sa main, un crâne Nashki est apparu, comme ayant surgi de nulle part. Il saute lestement au bas du rocher et le dépose avec précaution par terre.
Une brise fraîche se lève et emporte ses paroles qui résonnent encore au plus profond de leurs êtres. Les flammes des torches tournoient, lançant d’étranges ombres sur l’assemblée. Ce silence soudain pèse sur toutes les épaules, la nature elle-même semble avoir arrêté de respirer. Chacun se jauge, se sonde et se reconnaît. Comme s’ils redécouvraient un vieil ami, un frère depuis longtemps perdu. Comme si un lien depuis trop longtemps caché se révélait enfin, libérant chacun du poids de son existence. Ils étaient comme les yeux d’une même conscience. Cet instant dura une éternité.
Mû par cette conscience commune, tous s’approchent. Un premier orc s’avance, sort une lame et s’entaille l’avant bras. Serrant son poing, il macule le crâne de son sang. Les uns après les autres, ils l’imitent et versent leur sang à leur tour. Quand le dernier est passé, Eolair s’avance, sort un couteau en os et l’appuie sur sa paume. Trois gouttes d’un sang noir d’encre, dans lequel semble se refléter toutes les couleurs de l’arc-en-ciel coulent le long de la lame et se mélangent au sang des Gnutags. Le sang de la déesse incarnée dans son prêtre, nul n’en doute plus, se mélange à ces futurs Guerriers. En psalmodiant, Eolair prend le crâne, verse une larme sur la terre, puis le tend vers ciel et le porte à ses lèvres.
La même voix caverneuse d’orkesse entonne alors :
« Que la terre et le ciel me soient témoins, qu’en ce jour, maintenant et pour toujours, soient unis par le Serment du Sang les Guerriers de Sarokha, Gardiens de la Tradition. Que coule le Sang ! »
Le tonnerre roule, un éclair déchire le ciel étoilé, le sol tremble et le shaman semble s’élever dans les airs quelques instants. Quand ses pieds touchent le sol, tout s’arrête. Il tend le crâne à un Gnutag, qui après avoir bu une gorgée, le donne à son voisin. Il passe alors de mains en mains, de lèvres en lèvres, et quand tous ont bu, la déesse semble avoir disparu : Eolair est en nage, essoufflé comme s’il venait d’exécuter un effort important, plié en deux sur son bâton. On lit la surprise dans son regard, mais également la compréhension de ce qui venait de se passer. Une compréhension intrinsèque et universelle, que chacun a en lui sans qu’ils aient simplement eu envie d’y penser. Chacun sourit. Tout est calme et la nature semble endormie comme si rien ne s’était passé…
Les Guerriers de Sarokha, Gardiens de la Tradition, étaient créés…